L’épidémie de Covid 19 a montré très clairement l’état apocalyptique de notre système de santé. Si la controverse est toujours utile en science, force est de constater qu’elle a battu des records pendant les premiers mois de la pandémie.
Tout ceci a, et c’est un euphémisme, ébranlé les certitudes et la confiance de la France en sa médecine. Non seulement des citoyens, mais malheureusement d’une grande partie des soignants, qui bien qu’applaudis tous les soirs à 20 heures, se sont sentis abandonnés et sacrifiés.
Les services de soins et les services supports ont été profondément désorganisés, du moins, au début de l’épidémie. Toutes les consultations ont été arrêtées. Les maladies chroniques ne furent plus prises en charge. Des examens de biologie médicale, les analyses virologiques ont pris le pas. Tous les autres secteurs ont tourné au ralenti. Dans les services cliniques, les acteurs de soins se sont retrouvés démunis face à la pénurie d’équipements de protection individuelle (EPI). Masques, blouses, surblouses et gants étaient devenus des denrées rares. Mêmes les solutions hydroalcooliques ont dû être localement produites. Les services administratifs se sont retrouvés en face d’offres de produits et consommables dont de très nombreux étaient non-conformes aux normes d’usage. Il fallait des personnes ressources formées et vigilantes pour assurer des contrôles administratifs et normatifs pointus pour trier les bons produits des faux.
Face à cette situation, les services se sont organisés et ont réussi l’impossible. Non seulemente faire face, mais fortement limiter casse. De nouveaux métiers ont vu le jour. De locaux simples, voire des secteurs de blocs opératoires, ont été transformés en secteurs de soins à risque type « secteurs Covid ». Cela est l’œuvre d’une reprise en main de l’hôpital par les soignants, de la mise en place des téléconsultations et visio consultations et un repli du pouvoir administratif. Malheureusement ce pouvoir s’est depuis réveillé et a repris les rênes comme avant, ce qui peut apparaitre comme très inquiétant. Un signe de l’enracinement de la bureaucratie sanitaire dans notre pays.
Alors quelles conséquences à présent ?
Les personnels se préparent à la deuxième vague et avec plus de 13 000 nouveaux cas le 27/09/2020 et 28/09/2020 et un bond de 48% des hospitalisations et 45% des entrées en réanimation. L’inquiétude grandit avec des soignants à bout physiquement et mentalement.
Le pire est peut-être devant nous (Burn-out, dépressions, addictions, complications familiales, stress dépassé, stress chronique, stress post-traumatique, séquelles somatiques, deuils etc…). 1 500 euros de prime ne peuvent effacer une souffrance qui existait depuis longtemps et qui s’est plus qu’aggravée. Plus d’un soignant sur deux a ressenti fatigue physique, lassitude morale, anxiété, stress et troubles du sommeil.
De même, beaucoup d’étudiants ont témoigné douloureusement des situations liées à la mort des patients, à l’absence des familles, aux prises de décision dans l’urgence dans les unités Covid (infirmier.com). La relation de soin et d’aide n’a pu se réaliser dans les meilleures conditions. Mais aussi très loin de leur imaginaire.
Cependant, il n’y a pas le recul nécessaire. Cela sera-t-il sans effet délétère sur le long terme ou même le moyen en fonction de la deuxième vague. D’autant que nous l’avions déjà énoncé dans une précédente lettre de l’APPA. 50% des médecins étaient en Burn-out (voir notre article sur le burn-out) avant cette situation extraordinaire. 40% des externes, 60% des internes selon une étude européenne. Le Stress post-traumatique (PTSD) guette également. De plus, 60% des urgentistes (57%) et plus de la moitié des jeunes médecins (52%) étaient en BO en 2019 (G . Fond JAD 2019). Alors après le COVID ?
Les EHPAD et la psychatrie sont au bord de l’implosion
Les services de réanimation, du fait de la reprise normale de l’activité, vont rapidement atteindre leurs limites avec le tri à nouveau (9 lits/10 déjà plein en réanimation à Toulouse). Et la grippe n’est pas encore là ! N’avons-nous déjà pas une doctrine de priorisation des tests devant le coût pour la sécurité sociale ?
Tout cela est source d’effondrement. La peur d’être considérés comme incompétents et irresponsables plane. C’est très insécurisant. Espérons que cette deuxième vague ne sera pas aussi mortelle que la première ou plus. Car alors, la perte de sens du fait d’une demande croissante, de la réduction des effectifs ou d’absence de renforcement suffisant des équipes soignantes vont avoir des effets insoupçonnés, mais guère positifs ,sur le long terme.
Malgré cette première vague de Covid-19 et ce vécu des soignants à bout de souffle, les projets les plus délirants de GHT ont repris. Les personnels médicaux sont, ici, la valeur d’ajustement structurelle.
S’il nous faut à présent vivre, selon le ministre de la santé, avec le virus, ce ne sera pas simple. Le vaccin porte tous les espoirs de voir l’épidémie se terminer. Mais cela ne traitera pas les suites immédiates et à terme. Serons-nous prêts ? Pourrons-nous réagir de façon adaptée avec des messages toujours aussi contradictoires ?
Du côté de l’APPA
Quoiqu’il en soit l’APPA se tient prête à continuer à être aux côtés de ses adhérents et de leurs familles. Elle avait déjà mis en place un partenariat avec une plateforme d’écoute et de soutien pour les risques psychosociaux (voir notre article sur le SPS). Elle va dans la limite de ses possibilités penser comment vous accompagner au mieux.
Certains adhérents se sont plaints de ne pas avoir bénéficié de leur prévoyance du fait du confinement. Mais cela était exceptionnel et non prévu au contrat. C’est en effet l’état qui devait prendre cela en charge. Raison pour laquelle tous les assureurs du marché n’ont pas pris en charge ce type d’arrêt. Le refus, bien que logique, a peut-être entamé la confiance de ces derniers en notre association. Nous ferons tout pour clarifier les questionnements des adhérents et leur répondre au mieux.
L’APPA entend, malgré cette période profondément trouble dont on ignore la date de fin et les conséquences concrètes pour notre association, conserver, voire conforter, dans la mesure du possible, ses valeurs fondatrices. (La Solidarité, la Simplicité de fonctionnement, la Sécurité pour les adhérents au travers d’une prise en charge la plus optimisée possible) pour le bien-être de nous tous. Nous vous rappelons, qu’à ce titre, l’APPA a mis en place un Fonds d’Intervention Solidaire – Covid 19. Pour en savoir plus, cliquez sur ce lien.
Rédaction par deux administrateurs de l’APPA :
Dr Crespin C. ADJIDÉ
PharmD, Microbiologiste, Préventeur Risque Infectieux,
Responsable du Laboratoire Hygiène Risque Biologique & Environnement Centre de Biologie Humaine (CBH)
Dr Shadili Gérard
Responsable de l’addictologie adolescente à l’Institut Mutualiste Montsouris et centre Emergence Tolbiac