Histoire de solidarité


Dr. Lucas M., médecin généraliste en Moselle, a bénéficié du soutien du Fonds d’intervention de l’APPA pour l’aider à couvrir les lourdes dépenses induites par le handicap de son fils, consécutif à une tumeur cérébrale décelée à l’âge de 18 mois.

Un témoignage touchant à la hauteur des difficultés rencontrées mais aussi de l’espoir suscité par les progrès du petit garçon, actuellement âgé de 5 ans…


Pouvez-vous nous raconter votre histoire ?

Je suis médecin généraliste, en remplacement depuis 2019 et adhérent de l’APPA depuis mon internat. C’était déjà la mutuelle familiale puisque mon père est pharmacien hospitalier. Ma femme est ergothérapeute. Nous sommes installés à Montigny-lès-Metz et nous avons eu notre premier enfant, Aubin, en 2017.

Aubin allait très bien à la naissance mais, à ses 18 mois, il ne marchait toujours pas et présentait d’autres dysfonctionnements inquiétants. Grâce à notre environnement médical, nous avons pu accéder rapidement à des examens à Nancy et on lui a diagnostiqué une tumeur cérébrale de la fosse postérieure. Il a été opéré mais a subi de lourdes complications, qui ont entraîné trois mois de réanimation, avant d’entreprendre un an de chimiothérapie.

Nancy est un pôle de renommée mondiale en neurochirurgie et en cancérologie, et nous avons eu la chance d’être pris en charge par l’équipe du Professeur Chastagner, chef du service d’oncohématologie pédiatrique ainsi que l’équipe du professeur Klein, chef de service de neurochirurgie pédiatrique.

Malgré une métastase rachidienne, il a pris le parti de ne pas faire de radiothérapie car, à 18 mois, le cerveau se construit et l’irradiation peut entraîner des effets irrémédiables sur le plan cognitif. En revanche, il a gardé d’importantes séquelles sur le plan de la motricité

Quelles sont ses séquelles ?

Son cervelet a été en grande partie détruit par la tumeur. Cela l’empêche notamment de marcher car il n’a pas d’équilibre et il ne tient pas debout. Il se déplace en fauteuil roulant et tremble beaucoup dès qu’il essaie d’attraper quelque chose.

Comme nous sommes dans le médical, nous avons pu anticiper sur les soins nécessaires. Dès le début de la réanimation, nous avons rempli le dossier MDPH et activé les différentes aides possibles, pour les avoir au plus vite, car nous savons qu’il y a beaucoup de délais, en particulier dans notre région. C’est triste à dire, mais le handicap a un coût !

Beaucoup de choses sont prises en charge par la Sécurité sociale et la mutuelle, mais certains besoins sont peu couverts, notamment en ce qui concerne la rééducation autre que la kinésithérapie. La kiné et l’ergothérapie, par exemple, permettent d’immenses progrès. Il en fait depuis le début et nous les constatons jour après jour. En sortant de la réanimation, par exemple, Aubin ne pouvait bouger que les yeux ; aujourd’hui, il fait du quatre-pattes et il arrive à monter dans son lit ! L’ergothérapie est très importante pour lui mais c’est peu pris en charge : environ 100 euros par mois par la MDPH, ce qui représente 2 séances par mois, alors qu’il en a fait 3 par semaine pendant un an, et 2 encore aujourd’hui. Toute cette rééducation permet de travailler la marche et la motricité fine, en espérant un jour qu’il puisse être autonome physiquement, même à l’aide de cannes ou avec son fauteuil.

Pourquoi avez-vous contacté le Fonds d’intervention de l’APPA ?

Nous avons contacté l’Association pour nous aider à couvrir les dépenses.

D’autant plus que le handicap d’Aubin a entraîné une forte diminution de nos revenus puisque ma femme a dû cesser son activité pour s’occuper de lui, et je me suis moi-même orienté vers un poste de remplaçant à temps partiel.

Cette aide concerne surtout les frais liés à l’ergothérapie. Elle peut être prise en charge, sous conditions, par la Sécurité sociale, mais il faut passer par des structures spécialisées dans lesquelles il y a d’importantes files d’attente et qui ne peuvent pas garantir le nombre nécessaire de séances, en raison notamment du manque de praticiens. Nous avons fait le choix de les financer par nous-mêmes, mais cela représente un budget important. Pour vous donner une idée, le dernier devis est de 7 800 euros pour un an !

On a également des dépenses régulières de matériel. Par exemple, en 2021, Aubin avait besoin de son premier fauteuil. Nous avons choisi un modèle évolutif, qu’il pourra utiliser pendant au moins trois ans, mais le coût est élevé (5 046 euros) ; la Sécurité sociale prend en charge 972 euros, la mutuelle 200 % (soit 1 944 euros), ce qui signifie qu’il reste plus de 3 000 euros à sortir de sa poche ! Heureusement, le Fonds d’Intervention de l’APPA a pu couvrir 90 % de cette somme…

Il y a aussi tous types de dépenses, directes ou indirectes, en termes d’équipements : Aubin a besoin par exemple d’un Dynamico et d’un Nimbo pour apprendre à se déplacer sans son fauteuil, ou d’un siège auto adapté ou encore du petit matériel. Nous avons également dû déménager pour pouvoir vivre dans un logement de plein pied. On l’a finalement trouvé, non sans mal, au premier étage d’un immeuble de notre ville. Cela nécessitera sûrement d’investir, à court terme, dans l’installation dans un monte-escalier, non pris en charge par la MDPH puisque cela concerne les communs de l’immeuble. J’arrive encore à le porter mais c’est compliqué pour ma compagne, sans parler des grands parents. Or on aimerait qu’ils puissent sortir avec lui et qu’Aubin puisse être autonome, le temps venu, dans son environnement de vie. On veut lui donner toutes les chances et les clés pour qu’il ait le quotidien le plus normal possible, en dépit de son handicap.

Comment cela se passe-t-il, concrètement, pour les demandes d’aides ?

C’est très simple. On transmet à l’APPA, par simple mail, les pièces comptables (devis, factures acquittées) correspondant aux dépenses pour lesquelles nous sollicitons un soutien financier. Nous avons fait trois demandes au total. La première, concernant les séances d’ergothérapie, a été prise en charge en quasi-intégralité. La deuxième à 70 % et le dernier dossier est en cours.

Par ailleurs, au-delà des remboursements, qui arrivent très vite une fois qu’ils sont validés par la commission dédiée, il y a aussi un suivi et un accompagnement, tout aussi précieux.

Régulièrement, par exemple, on fait des points sur ce qui reste dans l’enveloppe allouée par le fonds pour pouvoir provisionner d’autres charges éventuelles. Nous avons une très grande gratitude envers l’association et Madame Pépratx qui suit notre dossier.

Très concrètement, le Fonds d’Intervention nous permet d’avoir une certaine tranquillité financière par rapport à nos problèmes. Grâce à la prise en charge de la rééducation, par exemple, on sait qu’on peut continuer à avancer les frais pour les soins dont notre fils a besoin pour progresser.

Comment se porte-t-il aujourd’hui ?

Il va très bien, c’est un enfant incroyable, malgré ses difficultés physiques. Sur le plan clinique, il est en rémission depuis décembre 2019, évidemment très surveillé, tous les 6 mois, par différents praticiens à Nancy. Aujourd’hui, on se concentre vraiment sur la rééducation et le paramédical.

On a dû se battre pour qu’il puisse aller dans une école normale avec une aide (AESH) attribuée à 100 %. Cela se passe très bien et on le prépare désormais pour l’école primaire. Par exemple, on a introduit une séance d’ergothérapie dédiée à l’apprentissage de l’ordinateur, car il n’arrivera probablement jamais à écrire correctement. On lui a acheté un ordinateur pour commencer l’acquisition du clavier. Il faut toujours anticiper et c’est sûrement notre force, grâce à nos métiers respectifs dans la sphère médicale. Si on avait attendu une aide pour l’ordinateur, il aurait fallu attendre le CP, car l’éducation nationale ne prend rien en charge avant, ce qui n’a pas de sens car cela revient à fournir l’équipement au moment où l’enfant doit commencer à écrire…

Rien n’est facile, c’est un combat de tous les jours, mais on voit les progrès, immenses, au quotidien !

Aubin a aussi une petite sœur, Agathe, qui va très bien et nous sommes globalement très soutenus par notre entourage, par l’APPA ou par tout l’écosystème associatif qui intervient auprès des enfants malades ou victimes de handicap. Tout le monde n’est pas dans ce cas et nous avons vu des situations bien plus difficiles, notamment dans le cadre de familles monoparentales où c’est bien trop souvent, hélas, la maman qui est seule.

La prise en charge du handicap est un véritable défi pour la société. Nous avons rencontré beaucoup d’obstacles mais c’est aussi peut être en train de changer. Les générations évoluent, comme les regards, peut être en raison des réseaux sociaux, de l’expérience de la crise sanitaire et d’approches plus inclusives, dans tous les domaines. Nous, on veut justement inclure Aubin, de plus en plus, quelles que soient les réticences, même à l’école, sachant que les enfants eux-mêmes sont généralement les plus « accueillants » : la différence n’est pas un sujet et elle créé même beaucoup de lien…