Coordinatrice du Centre d’Assistance Médicale à la Procréation au sein de l’Hôpital Bichat Claude-Bernard, à Paris, Dr Sylvie Epelboin est une figure de la gynécologie-obstétrique. Dans le cadre du magazine de l’APPA, nous avions eu la chance de retracer, avec elle, son parcours, qui est aussi une leçon de vie et un modèle de carrière hospitalière…
Dans la famille de la médecine de la reproduction et de la fertilité, Sylvie Epelboin a dessiné sa carrière comme une sorte de carte-profil qui pourrait se résumer avec un seul adjectif : passionnée. « C’est une discipline à la croisée de la pratique et de la vie, dont les leviers relèvent autant du conte pour enfants (« ils vécurent heureux et eurent de nombreux enfants ») que d’une citation de Paul Eluard : le dur désir de durer. Elle mobilise à la fois la psychologie – en rentrant dans l’intimité des patient.e.s, le raisonnement intellectuel, les avancées et les perspectives scientifiques, la micro-chirurgie et la pratique obstétricale… »
Après ses études de médecine et son internat à Paris, Sylvie Epelboin devient gynécologue-obstétricienne et exerce, pendant plus de vingt-cinq ans, à l’hôpital Saint-Vincent de Paul. Elle y co-impulse rapidement l’ouverture d’un centre de Fécondation In Vitro (FIV) peu de temps après la naissance du premier « bébé FIV » français et participe, dans la décennie suivante, au développement des techniques de procréation assistée. En parallèle de sa carrière, la praticienne partage également la passion du voyage avec son mari, également médecin. Ses nombreux séjours en Afrique de l’Ouest, en particulier, lui permettent d’appréhender l’importance des traditions culturelles dans la fertilité et la mise au monde. « Cela a vraiment fait partie de mon parcours de formation et de la manière dont je reçois aujourd’hui les patient.e.s. Par exemple, pour combattre et expliquer l’excision, il m’a été utile de voir les célébrations pratiquées au Sénégal, auprès des femmes peules : de véritables cérémonies festives qui représentent aussi le passage à la vie adulte. On est vraiment à la croisée de la médecine et de l’anthropologie… » D’ailleurs, son mari, devenu chercheur pour le CNRS, en a fait son métier.
En plus de ses activités hospitalières et de ses expériences à l’étranger, Sylvie Epelboin se forme également à l’éthique médiale à travers un DEA, obtenu en 1990, dans un contexte où ces questions, complexes, arrivent sur le devant de la scène. « Nous sommes dans les années quatre-vingt-dix. Robert Badinter suscite en 1984 un premier colloque sur le droit et la génétique, appliquée à la procréation, qui a constitué une sorte de préfiguration vers la première loi de bioéthique (1994), en soulevant des allers-retours permanents, entre la médecine et l’éthique, sur la place de l’enfant ou la création de nouvelles formes de parenté. »
En 2010, avec la programmation de la fermeture de Saint-Vincent de Paul, la gynécologue rejoint l’hôpital Bichat-Claude Bernard, en tant que coordinatrice du Centre d’Assistance Médicale à la procréation (AMP). Elle retrouve une population qu’elle connaît bien avec de nombreuses patientes d’origine africaine qui la ramène à ses souvenirs et à l’enjeu du dialogue, du « terrain de communication », au-delà des différences culturelles. « Nous sommes d’abord un des rares centres qui accueillent des personnes à risque viral, ce qui implique une prise en charge médicale globale. De façon générale, il y a une dimension pédagogique très forte consistant en premier lieu à faire réaliser aux patient.e.s et aux soignants qu’on ne peut pas tout connaître de leur culture, mais qu’il faut apprendre à écouter ce que dit la personne en face… Notre rôle est de transmettre la vérité biologique ou l’explication médicale, quelles que soient les origines ou les croyances. » Le Centre est composé d’une dizaine de praticiens (biologistes, cliniciens, sage- femmes, internes, etc.) dont une partie a été réquisitionnée lors du « tsunami » engendré par la crise sanitaire. Le service s’est organisé afin de trouver des solutions pour les processus en cours et préparer la reprise avec des recommandations strictes sur les profils à risques et les publics prioritaires.
Le quotidien médical de Sylvie Epelboin ne ressemble pas à un conte pour enfants mais son itinéraire tient bel et bien de la belle histoire passionnée qu’elle évoque notamment dans un livre co-écrit, en 2019, avec la journaliste Elise Karlin qui a été sa patiente : J’ai longtemps cru qu’il suffisait d’être deux. « Je crois que j’appartiens à une génération très choyée qui a eu l’opportunité de faire mille choses pour se sentir utile », notamment trois enfants et une brillante carrière résolument imbriquée avec sa vie personnelle.