Dans le cadre de sa politique de prévention en santé des praticiens, l’APPA a été très attentive à une récente publication consacrée à l’attractivité et la pénibilité de l’exercice des psychiatres à l’hôpital public, diffusée en mai 2023 sur le site du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux.
Les Dr Soazic Peden et Pierre-François Godet ont coordonné en février 2023 une enquête sans précédent sur la perception de leur quotidien professionnel par les psychiatres de service public.
Un questionnaire anonyme de 46 questions a été proposé aux volontaires afin de cerner les facteurs d’attractivité ou de démotivation, et aussi de recenser les leviers d’évolution qui pourraient être déclinés dans les établissements.
Les auteurs ont reçu 1 168 réponses dont 1 086 de psychiatres dont l’exercice est varié : psychiatrie générale, psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, psychiatrie en milieu carcéral.
Ces praticiens appartiennent de façon représentative aux différents types d’établissements (CH, CHU, EPSM, ESPIC…), et dans différentes régions de l’ensemble du territoire.
Le questionnaire a été renseigné par près d’un Psychiatre Hospitalier sur cinq, montrant la grande sensibilité des collègues à la reconnaissance de leurs conditions spécifiques d’exercice.
L’âge moyen du répondant est de 46,5 ans et ce sont majoritairement des femmes. La moyenne de la quotité de temps de travail est de 90 %.
Les répondants exercent pour la plupart des fonctions institutionnelles et sont, pour plus de la moitié, responsables d’unité fonctionnelle.
L’activité principale concerne majoritairement les soins en hospitalisation complète et en Centre Médico Psychologique (CMP).
Satisfaction versus insatisfaction de l’exercice professionnel
Les répondants sont dans l’ensemble satisfaits de leur activité professionnelle, avec une note moyenne de 5,7/10.
Les praticiens sont particulièrement intéressés par leur cœur de métier : l’activité clinique de soins et le travail d’équipe.
Mais il faut souligner que sur 1 146 répondants, ils sont 200 à éprouver une insatisfaction importante (de 0 à 3/10), soit 17,46%.
Alors, où se situent l’attractivité et la pénibilité dans l’exercice professionnel ?
Ils se disent peu satisfaits par l’exercice des tâches administratives, notamment du temps imparti à la cotation de leur activité et à la rédaction des différents certificats de soins sans consentement.
Les activités institutionnelles ne suscitent pas plus de satisfaction dans leur pratique.
L’activité d’expertise apparait toujours aussi peu attractive.
Les activités d’enseignement et les activités d’intérêt général sont cependant, source de satisfaction.
Les facteurs de pénibilité portent surtout sur la permanence des soins en établissement, les soins sans consentement, la surcharge permanente de travail corrélée avec le manque de personnel et moyens, enfin la problématique de la gouvernance hospitalière.
La permanence des soins est le plus souvent assurée par l’ensemble des praticiens de l’établissement, avec pour certains établissements la nécessité de faire appel à d’autres dispositifs comme la solidarité territoriale, les praticiens intérimaires etc.
Les auteurs notent : « L’absence d’espace d’apaisement, de chambres dédiées pour les mesures d’isolement ou de contention, signe d’insuffisance de moyens et des contraintes paradoxales dans lesquelles les praticiens sont piégés, participant à des soins dégradés, interrogeant leur responsabilité médicolégale et aggravant la pénibilité. »
Les équipes médicales apparaissent instables, fragiles : avec près de 25 % des répondants sans praticien titulaire dans leur service, un tiers avec un praticien titulaire non remplacé en arrêt depuis plus d’un mois et trois quarts des répondants avec un ou des postes vacants non pourvus dans leur service.
Ces questions de démographie médicale posent des problèmes de cohésion d’équipe et de connaissance des patients. Ils impactent aussi nécessairement la permanence des soins, les possibilités de repos de garde et de récupération, l’exercice des droits aux congés, la formation…
Beaucoup ne se réunissent pas ou très peu en collège médical.
L’organisation de la permanence des soins repose parfois sur très peu de praticiens
L’accès aux formations apparait limité, et dans certains cas, impossible.
Ne pas pouvoir répondre aux attentes de formation, c’est mettre en insécurité patients et professionnels, et amplifier la pénibilité et le manque d’attractivité de la profession.
Le dispositif statutaire des Activités d’Intérêt Général (AIG) peut participer à l’attractivité de l’exercice. Il enrichit la qualité des soins hospitaliers d’une part et médicosociaux d’autre part avec le travail en réseau et de partenariat. Il apparait peu utilisé, mal connu, et peu soutenu par les directions.
Les semaines des praticiens sont chargées, avec une moyenne estimée à 44 heures dans le service, auxquelles s’ajoute du travail au domicile.
Les répondants sont en difficulté pour poser les repos de lendemain de garde, récupérer après une astreinte dérangée en nuit profonde, poser les Congés Annuels (un quart des répondants), RTT (un tiers des répondants), Congés Formations (près de la moitié des répondants !), et même les arrêts maladies…
« Ces difficultés, combinées aux problèmes de démographie médicale, aux obligations de permanence des soins… participent de la pénibilité et doivent être reconnues comme des risques psychosociaux majeurs. »
Si la reconnaissance de la profession par les équipes soignantes, les patients et leurs familles est bien perçue par les praticiens, elle leur apparait nettement insuffisante de la part des politiques, du ministère, des ARS et des préfectures…
Les auteurs concluent que pour lutter contre la pénibilité et favoriser l’attractivité, il apparait que les besoins sont multiples.
On retrouve en premier lieu le financement de la psychiatrie, et l’obligation d’un équipement minimum de base en ressources humaines, moyens architecturaux et équipement informatique, une évolution de la gouvernance hospitalière, un renforcement de la formation à la psychiatrie…
Les psychiatres travaillent beaucoup, dans des conditions souvent dégradées, et leur travail doit être reconnu et valorisé. L’employeur se doit de prévenir les risques psychosociaux et mieux gérer ses ressources humaines qui sont le premier outil de soin. Des efforts sont indispensables pour favoriser l’attractivité et diminuer la pénibilité de l’exercice des psychiatres de service public.